Frère Roland Da Silva
Que reste-t-il de la fête de la Pentecôte dans nos sociétés sécularisées et vivant seulement au niveau du matérialisme ? Au moment où j’écris cette réflexion, je viens d’entendre aux infos qu’en France, la Pentecôte divise. Étonnant !
Si on fait un sondage sur ce sujet : à quoi vous fait penser la Pentecôte ?, beaucoup seraient incapables de dire pourquoi c’est un dimanche important, avec un lundi férié
Le mot Pentecôte vient d’un mot grec qui signifie « cinquante ». Et cette fête remonte bien avant Jésus Christ. En effet, après avoir célébré la libération de la servitude d’Egypte par le repas pascal, les Juifs célèbrent le don de la Loi au Sinaï, cinquante jours plus tard. C’est la fête juive de Shavouoth, ce qui veut dire les « sept semaines ».
Saint Luc, dans les Actes des Apôtres, a noté à la même date un autre don de Dieu, le don de l’Esprit Saint. En nous laissant guider par les textes liturgiques de ce jour, nous voudrions découvrir quelques-uns des rôles de l’Esprit Saint dans nos vies.
1. Un esprit de joie et d’émerveillement
Si nous lisons le récit de Saint Luc (Ac. 2, 1-13), nous voyons tout l’enthousiasme qui a soulevé Jérusalem dans le cadre même de la Pentecôte juive. Nous lisons que le feu de l’Esprit envahit tout dans une sorte de tornade. Et les Apôtres sont emportés dans une sorte d’ivresse verbale : ils reçoivent le don de paroles nouvelles proclamant les merveilles de Dieu.
Et tous ceux qui les entendent sont émerveillés.
Nous voyons que le don de l’Esprit Saint produit, comme 1er effet, de la joie, une contagion de joie qui passe des prédicateurs aux auditeurs. Les foules « émerveillées » écoutaient les merveilles de Dieu. C’est déjà l’ébauche de l’Eglise. L’Eglise n’est pas à confondre avec l’église. L’Eglise, ce sont des personnes qui se rassemblent au nom de Dieu et pour Lui. L’église est un lieu de ce rassemblement ; c’est un bâtiment.
L’Eglise, ce sont des gens émerveillés qui écoutent des merveilles de Dieu. La Parole de Dieu qu’ils écoutent les met en joie, les rend heureux. Quand on vient à l’Eglise, c’est pour être content ; c’est pour vivre la joie de Dieu avec les autres. L’Eglise n’est pas un groupe des gens tristes qui viennent présenter leurs doléances. L’église est un lieu de rencontre avec Dieu, et ce Dieu est un Dieu qui donne la joie
2. Un esprit de vérité et de connaissance
Après la joie, le deuxième effet de l’effusion de l’Esprit Saint, c’est de faire connaître la vérité. C’est Jésus lui-même qui l’a répété à ses amis : « Quand il viendra, l’Esprit de vérité, il vous guidera vers la vérité tout entière…il vous fera connaître tout ce qui appartient au Père…il reprendra ce qui vient de moi… » (Jean 16, 12-15).
Jésus se soucie ici de la connaissance, de la formation intellectuelle. Ce que les théologiens appellent en latin « la lumen rationale », c’est-à-dire la lumière de la raison. C’est de la culture, de la formation intellectuelle car le chrétien n’est pas un crétin.
Mais Jésus se soucie surtout ici de « la lumen fidei », c’est-à-dire de la lumière de la foi ou l’intelligence de la foi. C’est la connaissance de la Parole de Dieu ; c’est la connaissance de la volonté de Dieu ; c’est la connaissance de la vérité dont il est plus question ici. La vérité consistant à connaître ce que Dieu veut et aime. Et cela est bien pour nous. La vérité est dans la connaissance du bien. C’est ce que nous appelons le discernement, c’est-à-dire la capacité que nous avons de distinguer ce qui est bien de ce qui est mal. Cette capacité nous vient de Dieu et non de nous-mêmes. Voilà pourquoi le Bien est identifié à Dieu. Seul le croyant a cette grâce de le savoir (savoir que Dieu est Bien et que le Bien est Dieu).
Par trois fois dans ce texte, il est répété que l’Esprit Saint « nous fera connaître » les mystères mêmes de Dieu. C’est le discernement charismatique qui est une certitude intérieure, personnelle, à découvrir la vérité de ce qui vient de Dieu ou pas, et ce conformément à son acte de foi. Ce discernement nécessite beaucoup d’humilité et beaucoup d’obéissance et devra être soumis à la prudence et au discernement doctrinal. L’Esprit Saint nous donne donc ici le discernement: la connaissance du bien et du mal, la connaissance de la volonté de Dieu: source de toute Vérité.Et donc la consultation régulière de la Bible et des enseignements de l’Eglise.
L’intelligence de la foi s’alimente par des moments de retraite et de récollection, par des moments de ressourcement dans la prière, par des moments de méditation de la Parole de Dieu, par la lecture des livres spirituels et diverses informations sur la vie de l’Eglise, par la fréquentation de la messe, la fréquentation des sacrements, par la liturgie, etc…
Et ceci nous concerne tous dans notre groupe de prière. Il concerne aussi surtout notre équipe de prédication qui doit se former pour mieux transmettre la Parole de Dieu.
De plus, on peut aller plus loin encore dans la réflexion. En effet, on pourrait penser que Jésus insiste sur l’aspect progressif de la connaissance de la vérité. Il y a des choses qui, aujourd’hui, dit-il, seraient trop lourdes à porter, et que l’Esprit Saint ne vous révélera que peu à peu… quand vous en serez devenus capables. On pourrait en déduire qu’on n’a jamais fini de connaître, de s’ouvrir à l’intelligence des Ecritures, comme le répète Saint Luc. Et c’est l’un des rôles de l’Esprit de Pentecôte.
L’Esprit Saint, l’Esprit de vérité, qu’il mette sur nos lèvres des paroles limpides et vraies!
3. Un esprit de témoignage
Esprit de joie, et Esprit de vérité…l’Esprit Saint pousse aussi à témoigner de notre foi : « Quand viendra le Paraclet (le Défenseur)… Il rendra témoignage en ma faveur. Et vous aussi vous rendrez témoignage, vous qui êtes avec moi depuis le commencement ». (Jean 15, 26-27).
Le témoignage dont il est question ici, c’est bien entendu le témoignage de la vie qui reste premier et essentiel, mais aussi le témoignage par la parole. D’où tout le sens du mot « Défenseur », avec une connotation de combat, de défense d’un accusé : « Vous serez menés devant des gouverneurs et des rois, à cause de moi et vous aurez à témoigner devant les païens » (Mat. 10,18 ; Mc 13,9), c’est-à-dire vous aurez à dire ce que vous savez de moi…
On voit bien ici l’importance de l’expérience personnelle, individuelle que le chrétien doit avoir avec Jésus, puisqu’on ne va pas témoigner dans le vide. Il nous faut un vécu avec ce Jésus. Qui est Dieu (Jésus) pour moi ? Quelle est la qualité de ma relation avec Lui ? Que fait-il dans ma vie ?,etc… Telle pourrait être l’essence du témoignage.
Jésus ne cesse d’être accusé. Son procès continue jusqu’aujourd’hui. On l’insulte, on dit toutes sortes des bêtises sur lui, etc… Qui le défend ? Les chrétiens d’aujourd’hui sont très mous à défendre leur modèle. Il leur arrive parfois de se cacher et de nier Jésus.
L’Esprit Saint fera de nous des défenseurs de Jésus. Nous n’avons pas à avoir peur. L’Esprit Saint combat pour nous « pour confondre le monde » de mensonge (Jean 16, 8). C’est d’ailleurs exactement ce que les Apôtres se sont mis à faire, dès qu’ils eurent reçu l’Esprit. Sortant du Cénacle, ils ont pris la parole pour témoigner que les foules de Jérusalem avaient eu tort de condamner Jésus
Si la Pentecôte est une grande fête, c’est aussi parce que c’est l’exaltation du courage et de la persévérance (le courage non seulement de dénoncer le mal, mais d’annoncer la Bonne Nouvelle) avec celle de la vérité…et de la joie.
N’oublions pas que la Pentecôte, pour les disciples de Jésus, s’est terminée, quelques jours plus tard, par la prison (Ac.,4, 3). Ils n’étaient certainement pas des témoins muets pour en arriver là. L’Esprit Saint nous donne d’être des témoins agissants, toujours en apostolat pour l’Evangile en paroles et en actes. En sommes-nous prêts ? Sommes-nous prêts à donner nos vies pour Jésus ? Le choix que nous nous sommes faits pour Jésus nécessite le prix du sacrifice. « Celui qui veut me suivre, qu’il renonce à lui-même, qu’il porte sa croix et qu’il me suive » (Mt. 16, 24 ou Mc 8, 34 ou encore Lc 9, 23).