Abbé Marcous BINDUNGWA
Archidiocèse de Kinshasa
Il m’a tout simplement été demandé de prêcher sur la soif de Dieu. Ce thème étant, en mon sens, vaste et fade, j’ai préféré lui donner un peu plus de saveur et le recadrer, pour le rendre plus parlant à notre existence, en l’intitulant comme indiqué ci-dessus. Ce nouveau titre signifie que même si Dieu, en nous créant, à déjà infusé ce désir de lui, l’expérience de la vie quotidienne montre que la soif de Dieu n’est pas un acquis. Nous avons développé la soif d’autres réalités de ce monde, mais pas celle de Dieu. Il faut donc travailler à accroître cette soif de Dieu, à développer les potentialités de ce grand amour que devrions avoir à l’égard de notre Créateur. Et la famille est justement le milieu privilégié où doit germer ce grand désir de Dieu. Voilà l’essentiel de notre prêche de ce soir que nous divisons en trois phases, à savoir : 1° La soif de Dieu dans les écritures [Ps 63(62),2-9]; 2° Rareté et difficulté de la pratique de cet idéal ; 3° Le rôle de la famille chrétienne.
1° La soif de Dieu dans les Ecritures [Ps 63(62),2-9]
Il est question ici de définir la soif de Dieu et d’en donner les signes indicatifs. La meilleure définition dans ce sens est donnée dans les Saintes Ecritures aux 9 premiers versets (hormis le premier qui n’est qu’une précision sur le contexte) du Psaume 63 (pour les hébraïques de la Bible) et 62 (pour les versions grecques). Cette différence se justifie par le décalage introduite dans la traduction et/ou tradition grecque, à partir des chapitres 9 et 10.
Le texte de ce psaume souvent intitulé « La soif de Dieu » dit :
2 Dieu tu es mon Dieu,
je te cherche dès l’aube :
Mon âme a soif de toi ;
après toi languit ma chair,
terre aride, altérée, sans eau.
3 Je t’ai contemplé au sanctuaire,
j’ai vu ta force et ta gloire.
4 Ton amour vaut mieux que la vie :
tu seras la louange de mes lèvres
5 Toute ma vie je vais te bénir,
Lever les mains en invoquant ton nom.
6 Comme par un festin je serai rassasié.
La joie sur les lèvres, je dirai ta louange
7 Dans la nuit je me souviens de toi
et je reste des heures à te parler.
8 Oui, tu es venu à mon secours :
je crie de joie à l’ombre de tes ailes
9 Mon âme s’attache à toi,
ta main droite me soutient.
A lire ce texte de près, on comprend que la soif de Dieu est un désir intense et un amour passionnant de Dieu, en même temps un besoin de rester en contact avec lui de manière permanente.
Les signes qui la manifestent sont, comme l’écrit le psalmiste :
- Chercher Dieu dès l’aube ;
- se souvenir de Dieu, même de nuit et rester des heures à lui parler ;
- aller le contempler au sanctuaire (à l’Eglise) ;
- se sentir comme sec quand on n’est pas en contact avec Dieu ; En synthèse, il faut dire simplement que la soif consiste en :
un sentiment ou l’affection qu’on a pour Dieu et cela en permanence ; - la prière fréquente (spécialement de louange) ;
- la foi (Dieu, tu es mon Dieu) et la confiance (sûr de son secours).
Pourquoi avoir soif de Dieu ? Le texte répond très clairement : parce que Dieu ne cesse de nous faire du bien, de nous protéger par sa main et de nous venir en aide. C’est la raison la plus visible. Mais s’il l’on va plus loin, il y a à découvrir une autre raison cachée.
En effet, l’atmosphère du texte révèle un attachement permanent à Dieu qui ne se justifie pas comme seule reconnaissance ou gratitude suite aux bienfaits. Car, nous savons que nous ne sommes pas toujours conscients du bien que Dieu et toutes les autres personnes nous font. La gratitude n’est pas un acquis. Donc il y a une autre réalité permanente qui fonde la permanence de la soif de Dieu que le psalmiste décrit. Car, la gratitude (qui n’est pas permanente dans la vie humaine) ne peut pas fonder la soif de Dieu (censée être permanente). Et Dieu, on le sait, ne nous demande pas ce qui est au-delà de nous. Si, par le psalmiste, il demande que nous ayons soif de lui de manière permanente, c’est que lui, qui est éternel et capable de créer des choses qui demeurent permanentes, doit avoir semé en nous ce désir pour qu’il reste permanent en notre cœur. Nous avons sans doute ce désir permanent de Dieu. Seulement, nous n’en sommes pas toujours conscients.
Un tel idéal de soif permanente de Dieu, on le sait, est rarement repérable dans notre expérience de vie quotidienne.
2° Rareté de la pratique de cet idéal
En sondant notre existence quotidienne, les actes que nous posons au quotidien, il n’y a pas de honte à reconnaître que nous n’avons pas l’habitude d’avoir soif de Dieu. Ce n’est pas encore notre culture ou notre réflexe. Nous sommes plutôt habitués à avoir soif des réalités de ce monde (les biens, les hommes et les femmes, les plaisirs, etc.). C’est de tout cela que nous avons soif. Mais rarement de Dieu. Rien que notre langage nous trahit.
Quand il fait chaud ou seulement après un long moment de distance avec la boisson nous réclamons : « j’ai soif d’un verre de bière ou de vin ; d’une telle marque de vin ». Quand nous sommes fatigués ou stressés et avons besoin de nous détendre, nous réclamons une sortie, des vacances, une fête, de la musique ou de la danse, etc. pour nous défouler. Quand nos amis, nos maris, nos épouses et/ou nos enfants vont en vacances loin de nous ou nous-mêmes loin d’eux, nous leur disons : « vous me manquez ». Etc.
Mais je ne sais pas si nous disons aussi que nous avons soif de la prière ou que Dieu nous manque. En général, c’est non. Peut-être aussi oui. Mais trop rarement, et en quelle circonstance ? La soif de Dieu fait irruption dans notre vie quand nous sommes en difficulté, dans la galère (dettes, factures, le chômage, les menaces de divorces, etc.) et nous avons besoin d’appuis. Alors nous nous rappelons, pour la circonstance, que Dieu est le meilleur appui possible, le plus puissant. Et c’est en ce moment que nous l’invoquons. Nous le supplions et nous devenons à la fois pieux et orants, peut-être même saints. Nous faisons des promesses à Dieu, au cas où ils nous aident. Malheureusement, quand nous sortons de là, nous encore un peu attaché à lui, pendant ce temps d’émotion et de joie. Mais petit à petit, reprenant le traintrain de la vie, nous oublions Dieu. Nous n’avons plus soif de lui. La soif de Dieu nous est un sentiment rare, sporadique en tout cas pas habituel.
Toutefois, il y a des ilots de cette soif de Dieu. Je sais pour avoir passé pratiquement 8 ans de vie au séminaire (prière communautaire le matin, à midi, le soir et la nuit ; sans oublier les moments de prière personnelle), qu’on ne veuille ou pas, cette soif se développe. Et ne fut-ce que par habitude, on la ressent de temps en temps. Donc il y a moyen de la cultiver.
L’effort personnel peut jouer un grand rôle dans cette entreprise. Mais, comme il s’agit d’une habitude, qui ne s’acquièrent et ne se changent que difficilement avec l’âge, il est bon que la soif de Dieu soit développée dès l’enfance. Voilà pourquoi la famille doit jouer un grand rôle en tant qu’elle est cette institution qui forge la personnalité et le caractère des gens.
3° Le rôle de la famille chrétienne
Le rôle de la famille est de développer la soif de Dieu déjà auprès de plus jeunes. Que les parents soient eux-mêmes fervents chrétiens (ainsi ils pourront prêchés par l’exemple), qu’ils instituent des moments de prière d’ensemble, qu’ils amènent leurs enfants à l’Eglise et participer aux différentes activités spirituelles organisées soit pour touts ou pour le jeunes. Les premiers signes, insignes et pratiques religieux doivent être appris en famille. Car ce que nous apprenons à cet âge, bien place confortablement dans notre esprit et ceux qui nous l’apprennent méritent grand respect. Aussi longtemps que cela nous aidera dans la vie, ces éducateurs de premiers instants bénéficieront toujours de notre estime. Si donc ce sont les parents qui prennent cette place, c’est gagné. Mais là où ils démissionnent, ils vendent leur ascendance eux-mêmes à d’autres instances éducatives, formatives ou déformatives.
Ce travail qui commence quand les enfants sont tout petits doit continuer, se varier et s’intensifier avec l’âge. Car on remarque qu’avec l’adolescence, les parents lâchent prise et perdent tout leur prestige auprès des enfants. Il ne faut pas abandonner mais changer de méthode, l’adapter au niveau de maturité des jeunes ; sans leur trop faire confiance prématurément mais sans non plus les infantiliser.
On sait toutes les peines des parents dans un univers où l’enfant est le prince hyper-protégé par la société au détriment de l’autorité parentale, mais il ne faut pas se résigner. Comme parents on a la responsabilité d’opérer certains choix pour les enfants, jusqu’à ce qu’ils soient conscients et/ou matures. De même que nous savons choisir pour eux une coiffure, un style d’habillement, une école etc., de la même façon on devrait leur choisir un climat religieux et même une religion. S’ils y renoncent quand ils grandiront, c’est leur affaire, vous n’y êtes pas responsables. Mais si vous vous soustrayez de cette tâche comme parent, si vous arrêtez cette dernière aux seules dimensions matérielle et intellectuelle, négligeant la dimension spirituelle, vous êtes responsables même de l’égarement spirituel de cette jeunesse. Et Dieu qui vous a confié cette charge de les encadrer vous en demandera des comptes.
Chers frères et sœurs, en terminant cette prédication, je serais si nous retenions tous que Dieu attend que nous ayons soif de lui, que nous l’aimions en permanence. Mais cela n’est possible que si nous développons cet amour qu’il a déjà semé en nous par une vie de piété et de prière assidue où se multiplient les exercices spirituels : prière ; lecture de la Bible et d’autre livres de spiritualité ; pratique des sacrements où la participation à l’eucharistie et la fréquentation du confessionnal priment comme sacrements les plus permanents ; à d’autres activités de l’Eglise, pèlerinage, etc. Comme les habitudes s’acquièrent et se modifient difficilement à l’âge adulte, que les familles fassent le travail déjà auprès des enfants : qu’ils élevés et éduqués dans cette ambiance. Et ce climat ne s’instaure facilement qu’accompagnée d’un comportement compatible.